Tuesday, October 4, 2016

Autour de la Toxoplasmose













Polyglobulie, A Propos d'un Cas



















Ceci n'et pas une Mycose

















Sérologie toxoplasmose


Sérologie toxoplasmose

à méditer


Béatrice Guillemin: expertise technique,

Jean Claude Dorne: expertise sérologique

Hédia Mili: commentaires

Dyomedea, Septembre 2016

Avec l’aimable relecture et correction de Madame  RABODONIRINA

Laboratoire de Parasitologie de la Croix Rousse, Lyon



Madame L. Lamya née le 24/07/1990, a une thrombopénie auto-immune depuis ses 8 ans, pour laquelle elle est suivie à la Croix Rousse.

Le 6 Octobre 2015 (5101906076), elle a fait une batterie de sérologies, donnant pour la toxoplasmose:

      IgG: 50.9 UI/ml   (seuil de positivité à 30)

      IgM: 0.19              (seuil de positivité: 1.0)

Et nous avons conclu:

« Taux d’anticorps évoquant en principe une infection ancienne.   A défaut de résultat antérieur analogue, un deuxième sérodiagnostic est souhaitable dans 4 semaines pour affirmer le caractère ancien de l’infection »

« Madame RABODONIRINA dit qu’il est important de rattacher l’ancienneté de l’infection à l’âge de la grossesse »

Madame Lamya n’a pas fait de contrôle car sa grossesse s’est arrêtée.
Le 30 Aout 2016, Madame Lamya (6081930077), démarrant une nouvelle grossesse (DDR: 19/07/16), a refait une sérologie de la toxoplasmose:

IgG: 5.8 UI/ml (seuil de positivité à 30)
IgM: 0.21 UI/ml (seuil de positivité: 1.0)

Face à cette discordance inexpliquée, les 2 sérums du 6/10/15 et du 30/08/16 ont été repris dans la même série.  Pour plus de sécurité, même la sérothèque du BW du 6/10/15 a été expertisée pour écarter une erreur d’étiquetage. 
Tous les résultats ont été confirmés, les IgG anti-toxoplasmiques ont bien disparu!

Plusieurs hypothèses ont été avancées, et soumises à Madame RABODONIRINA,  biologiste de la Croix Rousse.  Il en ressort que :
La fluctuation du taux est possible, même si elle est rare. 

« En fait, les fluctuations des taux d’anticorps sont liées à l’éclatement des kystes qui libèrent ainsi des trophozoïtes et sont à l’origine d’une parasitémie.  C’est ce phénomène qui explique la persistance d’une sérologie positive après une primo-infection.  Il arrive effectivement que le taux des anticorps passe sous le seuil de positivité des techniques, mais cela prend généralement plusieurs années »

  • Elle n’est pas due, à priori, à la prise de corticoïdes,
  • Ni à l’hémodilution de grossesse, car la variation est importante

Renseignements pris auprès de la patiente, elle prend entre-autre du Revolade®, un facteur de croissance plaquettaire, des corticoïdes, et des immunoglobulines humaines: Tegeline®, constituées à plus de 97% d’IgG. 
 Ces traitements sont modulés selon ses besoins.

Les  anticorps d’Octobre 2015 seraient passifs, elle a pris de la Tegeline® en Juin 2015… 
Madame Lamya a déjà eu des grossesses et ses sérologies précédentes étaient négatives.  Même si elle aurait pu s’immuniser entre-temps, nous n’avons pas de preuve sérologique qu’elle était positive par le passé

Après concertation entre biologistes Dyomedea, nous avons décidé de ne pas expertiser le  sérum du 6/10/15, car les anticorps sont vraisemblablement passifs, et ne concernent pas notre patiente.

Comment assurer le suivi sérologique  pour Madame Lamya ?
L’ayant trouvée négative le 30 Aout dernier, nous allons considérer qu’elle n’est pas protégée, et nous allons demander à la contrôler tous les mois durant toute sa grossesse.

Comment faire la différence entre les anticorps passifs et ses propres anticorps ? 
D’abord, il faut toujours lui demander si elle a eu des Immunoglobulines ou pas les semaines ou mois précédents.

Si oui, l’apparition éventuelle d’IgG antitoxoplasmiques, sans IgM, est très vraisemblablement passive.
« Les taux sont en général faibles et l’indice d’avidité élevé, car la Tégéline est obtenue à partir d’un pool de plus d’une centaine de sérums, de patients n’ayant pas eu la toxoplasmose ou ayant une toxoplasmose chronique (très peu de toxoplasmose en primo-infection, d’où l’absence d’IgM).  Le caractère fugace (disparition en quelques semaines) est très évocateur. »

 Et la conclusion serait : 
« Prise de Tegeline® le  /…/../, l’augmentation du taux d’IgG sans apparition d’IgM est vraisemblablement passive.  Le contrôle sérologique doit se poursuivre tout le long de la grossesse ».

« Je serais plus affirmative ; la patiente n’est pas immunisée »

Une séroconversion est suspectée uniquement si apparition d’IgM, qui justifiera les investigations d’usage

Comment anticiper ce genre de situations

1/ Bien prendre la précaution de toujours contrôler les toxoplasmoses positives en IgG sur un deuxième prélèvement un mois plus tard.  Nous l’avons fait en Octobre 2015, mais la patiente n’est pas revenue car sa grossesse du moment s’est arrêtée.  Si elle l’avait fait, nous aurions déjà constaté la baisse ou la disparition des anticorps.

2/ Toujours prendre les renseignements cliniques pour connaitre le contexte, quel que soit l’objet de l’analyse. 

Juste pour avoir une idée, ci-dessous toutes les indications de prise de Tegeline® (3):

Indications thérapeutiques Retour en haut de la page
·Traitement de substitution :
odéficits immunitaires primitifs avec hypogammaglobulinémie ou atteinte fonctionnelle de l'immunité humorale,
oinfections bactériennes récidivantes chez l'enfant infecté par le VIH,
odéficits immunitaires secondaires de l’immunité humorale, en particulier :
§la leucémie lymphoïde chronique ou le myélome, avec hypogammaglobulinémie et associés à des infections à répétition,
§l'allogreffe de cellules souches hématopoïétiques avec hypogammaglobulinémie associée à une infection.

·Traitement immunomodulateur :
opurpura thrombopénique idiopathique (PTI) chez l'adulte et l’enfant en cas de risque hémorragique important ou avant un acte médical ou chirurgical pour corriger le taux de plaquettes,
orétinochoroïdite de Birdshot,
osyndrome de Guillain et Barré de l'adulte,
oneuropathie motrice multifocale (NMM),
opolyradiculonévrites inflammatoires démyélinisantes chroniques (PIDC),
opoussées aiguës de myasthénie.

·Maladie de Kawasaki

 Pour tous ces patients, il y a un risque potentiel d’interférence si nous leurs faisons des sérologies alors qu’ils prennent des immunoglobulines

 3/ Pour notre patiente : Toujours lui demander si elle en a pris  les jours ou semaines précédents

4/Dans toutes les situations d’immunodépression, existantes ou programmées, Il est recommandé par les instances scientifiques d’établir le statut sérologique par rapport à la toxoplasmose(4).

EPILOGUE

1/  Nous sommes en droit de nous demander : Si la Tegeline® apporte des anticorps passifs, et si la patiente en prend toute la grossesse, peut on considérer qu’elle est protégée ?

La réponse est « NON »!  (2) 

« L’immunité humorale n’est pas protectrice.  Le toxoplasme est un parasite intra-cellulaire et les anticorps ne l’atteignent pas.  Les anticorps limitent la diffusion du parasite dans l’organisme mais n’arrêtent pas l’infection.  Le transfert expérimental d’anticorps passifs  chez les souris ne les protège pas contre une infection.  De même, de nombreux essais d’immunisation par les toxoplasmes morts ou irradiés ainsi que par des extraits antigéniques entrainent la production d’anticorps sans pour autant apporter une protection contre ce parasite.

C’est l’immunité à médiation cellulaire qui joue un rôle essentiel dans la lutte contre l’infection.  Des souris nudes athymiques ne développent pas d’immunité protectrice tandis que le transfert de cellules spléniques et de nodules lymphatiques sensibilisés au Toxoplasma gondii transfère une immunité spécifique.

2/… C’est pour les  raisons précédemment citées que, au Laboratoire de la Croix Rousse, pour confirmer une sérologie toxoplasmique, ils sont passés à la vitesse supérieure : ils préconisent une exploration de l’immunité cellulaire « le toxoféron », selon le même principe que le quantiféron.  Le test se fait sur place.

Sur le plan légal, seule la sérologie fait foi, quel que soit le degré d’immunité cellulaire.  C’est pour cela que nous ne raisonnerons que sur la base des IgG et des IgM

3/  Un cas analogue au notre en tout point de vue  a été décrit dans la littérature (1).    Les deux patientes souffrent de thrombopénie auto-immunes pour lesquelles elles sont traitées à la Tegeline®.  Il faut être très vigilants si grossesse sur terrain thrombopéniques.  Les auteurs de l’article  déplorent l’absence de renseignements concernant le taux d’IgG anti-toxoplasmose dans la Tegeline®.  Cette absence de renseignement s’explique peut être par le fait que la protection humorale anti-toxoplasmique est inefficace, donc pas recherchée à travers ces injections.

4/ Quel rôle joue le chat dans la transmission de la toxoplasmose ?

Un rôle tout à fait secondaire !

-          D’une part, les chats d’appartement se nourrissent de croquettes, et non pas de rongeurs, donc ils ont peu de chances de se contaminer

-          Les chats n’éliminent les oocystes que pendant quelques semaines au cours de leur vie, lors de la primo-infection, et les oocystes doivent séjourner 2 à 5 jours dans le milieu extérieur pour devenir infectants

-          Les femmes enceintes, associant la toxoplasmose au chat,  s’en méfient et prennent beaucoup de précaution.






En France, le facteur de risque principal reste la consommation de mouton et de repas à l’extérieur, il n'est donc pas utile de congédier le chat systématiquement!

Références bibliographiques


1/ Difficulties of interpretation in toxoplasma serology in a pregnant woman in the context of maternofetal alloimmunization against HPA-1a platelet antigen

Auteur(s) : A Sindt1, B Faivre2, O Thiebaugeorges3, V Watrin1, H Legagneur1, C Kaplan4, P Franck1

1Laboratoire de biologie médicale polyvalente, Maternité régionale universitaire de Nancy, Nancy
2Laboratoire d’hématologie et de physiologie, Faculté de pharmacie, Nancy
3Filière d’obstétrique, Maternité régionale universitaire de Nancy, Nancy
4Laboratoire d’immunologie plaquettaire, INTS, Paris



2/ Toxoplasmose et grossesse

Marie-Helene Bessieresa,*, Sophie Cassainga, Judith Fillauxa, Alain Berrebib

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2008 - N°402 //


 3/ TEGELINE


 4/ Toxoplasmose

Association Française des Enseignants de Parasitologie et Mycologie (ANOFEL)  2014