Monsieur
Pierre F., plus de 96 ans au moment des
faits, a fait un bilan sanguin de routine 7012111078 qui a mis en évidence une
glycémie à jeun de 6.76 mmol/l, sans
antécédents.
Faut-il
s’en inquiéter par rapport à son âge?
Quelle
conduite à tenir par rapport à son âge?
DIABETE
DU SUJET AGE
Hédia Mili, Mars
2017
Les critères de diagnostic du diabète ne varient pas en fonction
de l’âge(2)(5)(7). Comme chez les jeunes, la limite de la
glycémie retenue par la HAS est de 7 mmol/l soit 1.26 g/l. Le diagnostic
de diabète ne peut être porté que si les glycémies sont élevées à distance de
toute pathologie intercurrente : ne pas hésiter à contrôler une glycémie à jeun
élevée.
La
prise en charge, par contre, est différente de celle du diabétique jeune.
Quelles
sont les particularités du sujet
âgé ?
Physiologiquement :
1/ Le vieillissement s’accompagne de la diminution de
l’insulino-sécrétion en réponse au stimulus glycémique avec disparition
du pic précoce d’insuline et retard du pic
secondaire ainsi que de la
diminution de la
sensibilité à l’insuline.
2/ le vieillissement
s’accompagne également de modifications des réponses à l’hypoglycémie augmentant leur
fréquence et leur gravité par diminution de la sécrétion de glucagon,
diminution des signes neurovégétatifs (sueurs, palpitations…) ainsi qu’une diminution de la
capacité à se re-sucrer par perte d’autonomie, de ralentissement moteur…
Quels
sont les signes d’appel chez le sujet âgé ?
En plus
des signes classiques de polyurie, polydipsie, amaigrissement,… il faut
penser au diabète devant des troubles du comportement, une confusion, une altération
inexpliquée de l’état général, une incontinence urinaire récente, d’une
polyurie nocturne à l’origine de chutes et de déshydratation, des plaies
podologiques, des infections à répétition, une mycose buccale…
Complications
propres au sujet âgé :
La
dépression et les troubles cognitifs sont plus fréquents chez le diabétique âgé.
Les
hypoglycémies sont fréquentes et sont souvent à l’origine des accidents
les plus graves. Les causes des
hypoglycémies sont multiples : déficience de la contre régulation
hormonale, altération de la fonction rénale qui diminue l’élimination de
l’anti-diabétique. Statistiquement, il y
a une relation entre la démence sénile et les hypoglycémies. Est-ce que les hypoglycémies entrainent une
démence, ou est-ce que les déments sont sujets aux hypoglycémies par défaut
d’observance du traitement ?? Ce
n’est pas clair !
Le
coma hyper-osmolaire, souvent inaugural,
représente le mode de décompensation le plus fréquent, pouvant être
déclenché par une infection sévère, un AVC, un IDM, … associé à un facteur de
déshydratation : mauvaise perception de la soif, limitation de l’accès à
l’eau, diurétiques, pertes sudorales…
Faut-il
dépister les complications du diabète chez le sujet âgé comme chez un
jeune ?
En dehors
du sujet diabétique âgé en fin de vie, les dépistages doivent être identiques à
ceux pratiqués chez le diabétique jeune.
La prévention des complications est capitale chez le sujet
âgé vulnérable car elles peuvent lourdement affecter son autonomie.
Quel
régime pour le diabétique âgé ?
Aucune indication pour un régime diabétique au
sens restrictif, car risque de dénutrition, et perte de la fonction sociale du repas.
Chez le diabétique âgé, il faut adapter
le traitement, pas l’alimentation, même s’il faut respecter quelques
règles :
- Continuer à manger des sucres simples de type fruits, compote, y compris pâtisseries,
gâteaux en privilégiant la fin du repas…
-
Manger des féculents mélangés à des légumes à chaque repas
-
Veiller à la bonne répartition des aliments:
souvent le repas du soir est très insuffisant
-
Le goûter n’est pas recommandé sauf si
dénutrition
-
Bien s’assurer de la bonne hydratation
Et l’activité physique ?
Un minimum est requis pour éviter la grabatisation, et
elle doit être adaptée à l’âge : marche normale, ménage, jardinage… au
moins 10 mn par jour
Quelles cibles thérapeutiques pour le sujet âgé ?
La population âgée est très hétérogène, et les
objectifs thérapeutiques dépendent de l’âge, mais aussi de l’état de santé, de
l’espérance de vie et du degré
d’autonomie.
« L’OMS classe les
patients en différentes catégories en fonction de leur âge et de leur état de
santé générale
les
personnes dites « vigoureuses » : en bon état de santé, indépendantes et bien ·
intégrées socialement,
c’est-à-dire autonomes d’un point de vue décisionnel et fonctionnel qui sont
assimilables aux adultes plus jeunes ;
·
les personnes dites « malades » : dépendantes, en mauvais état de santé en raison d’une poly-pathologie
chronique évoluée génératrice de handicaps et d’un isolement social ;
· les personnes dites « fragiles » : à l’état
de santé intermédiaire et à risque de basculer dans la catégorie des malades.
Elles sont décrites comme une population vulnérable, avec des limitations
fonctionnelles motrices et cognitives et une baisse des capacités d’adaptation. »
La HAS propose les cibles thérapeutiques
ci-dessous :
https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2013-02/10irp04_synth_diabete_type_2_objectif_glycemique_messages_cles.pdf
Qu’en est-il de Monsieur Pierre ?
-
Il a eu 2
glycémies les 5 dernières années dont une, la plus récente, est élevée, sans
atteindre pour autant les 7 mmol/l, soit 1.26 g/l, seuil retenu pour le diabète.
-
Malgré son grand
âge, Monsieur Pierre est autonome :
il vit seul, passe l’été dans sa maison de campagne (2 semaines pour faire sa
valise/ 2 semaines pour la défaire, à l’aller et au retour…) et il est
judicieux de préserver cette autonomie
-
Nous ne sommes pas
habilités pour une prise en charge clinique et thérapeutique, mais il convient de rester en alerte pour détecter les
éventuels signes du diabète qui peuvent le précipiter dans la dépendance